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Entre Jesus et la lutte des classes

Conseillère nationale Ada Marra

Une question, Madame Marra : l’engagement politique et la foi sont-ils liés ?

Souvent on me demande pourquoi j’ai décidé de faire de la politique et pourquoi au parti socialiste.Je pense que nos histoires de vie influencent nos choix. Ainsi, je suis fille d’ouvriers immigrés italiens venus en Suisse dans les années 60. Ils faisaient partie de ces dizaines de milliers de travailleuses et travailleurs qui ont contribué à construire la Suisse.

Maniéres de venir au socialisme

Nous habitions un village où il y avait de la mixité sociale. Du coup, j’ai très vite observé que nous ne vivions pas toutes et tous de la même façon. Nous étions 5 dans un 2 pièces et demi et j’allais parfois prendre le goûter chez des camarades d’école qui habitaient dans des villas avec piscine. J’ai dû comprendre à ce moment-là que nous n’étions pas toutes et tous égaux. Mais sans souffrance ou jalousie, car nous avons toujours été bien accueillis par les parents de nos camarades d’école.

 Je pense qu’il y a deux manières de venir au socialisme. Par le marxisme et par le christianisme. J’ai la chance « d’avoir les deux ». J’ai constaté l’inégalité. J’ai vu la lutte des classes. Même si ce mot fait peur, il faut le reconnaître pour pouvoir agir. Il y a des dominants et des dominés. Un système qui profite plus à certains qu’à d’autres. Voir, qui opprime certaines catégories de la population.

Conseillère nationale Ada Marra

Et je suis socialiste parce que je suis chrétienne. Au sortir de l’Université, au moment de choisir un parti, il m’est apparu que le parti socialiste était au plus près de mes valeurs chrétiennes. Il y a des vocabulaires dans les deux domaines qui pour moi signifient la même chose. Dans le champ politique de gauche on parle de solidarité, de camaraderie. Dans celui du religieux on parle de partage, de fraternité et sororité.

Donner une voix

Pour moi, un des messages les plus importants de la Bible c’est la proximité de Jésus avec les plus précarisés, les pauvres, les exclus, les humiliés de la société. Et ce combat que je voulais mener, je l’ai aussi retrouvé dans cet engagement politique. Ma foi se manifeste par mon engagement contre la précarité et le fait de donner une voix à celles et ceux que l’on écoute pas dans nos sociétés.

Souvent on me dit que je ne me bats que pour les étrangers et pas pour les Suisses. Mais c’est faux. Il se trouve que l’on retrouve beaucoup de personnes sans passeport suisse dans les métiers les moins qualifiés, dans une plus grande précarité. Je me bats pour le droit des sans-papiers parce que cela représente une des plus grandes hontes de notre système économique. Ce sont des travailleuses et travailleurs sans droits. Tout le monde connaît leur existence et l’importance de leur travail pour nos économies (ménage, chantiers, restauration, etc.) mais la majorité politique ne veut pas leur donner un statut et des droits.

Droit de vote

Ce qui m’a habitée pendant ces années au Parlement c’est faire en sorte que la Suisse reconnaisse ses enfants. Pour les jeunes nés en Suisse sans passeport suisse, mais aussi pour ces veilles migrations qui ont donné leur vie, leur force, leur descendance à la Suisse. Cela doit se traduire soit par une naturalisation administrative soit par l’obtention du droit de vote. Parce que chacun.e des habitant.e.s de notre pays a le droit d’exprimer ce qu’il veut pour l’ensemble de la communauté. C’est ainsi que la dignité des individus mais aussi de la société est respectée.

Encore un mot : je me suis parfois demandé où était mon identité chrétienne dans la vie du Parlement. Je crois qu’il a été dans mon effort de ne pas enfermer mes adversaires politiques dans des cases. De les considérer comme des individus avant de les regarder comme membre d’un parti. C’est seulement ainsi que nous permettons à notre prochain d’évoluer.

Le texte original paraîtra le 13 janvier 2022 sur le site web des Femmes catholiques suisses SKF.

La Vaudoise Ada Marra est née le 10 mars 1973 à Paudex (VD), de parents immigrés ouvriers italiens. La politologue italo-suisse a été naturalisée en 1998. Un an plus tôt, en 1997, elle a adhéré au Parti socialiste suisse (PS). De 2004 à 2007, Ada Marra a été députée au Grand Conseil du canton de Vaud. À 34 ans, elle a été élue au Parlement, où elle est toujours conseillère nationale. Ada Marra s’engage bénévolement dans différentes associations : elle a été présidente de l’Association romande de lutte contre l’illettrisme (Lire et Ecrire), s’engage auprès de la Fondation Mère Sofia (soupe populaire ainsi que logement d’urgence la nuit), auprès de la Plateforme nationale pour les sans-papiers, est membre du comité de Caritas Vaud et de Caritas Suisse. Ada Marra se consacre à la lutte contre la pauvreté ainsi qu’à l’intégration pour tous. Avec Cécile Bühlmann (ancienne conseillère nationale, Verts), elle a également dirigé la commission pour le droit de vote des habitant es lors de la session des femmes 2021.

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